Réalisé par Anne Claire Poirier |
Canada, 1979 (fiction, 96 minutes, couleurs, français) |
Autre |
Image : © Office national du film du Canada |
Description du film : « Mourir à tue-tête s'attaque à un sujet que les mentalités collectives s'acharnent à considérer comme tabou : le viol de la femme, de l'individuel (le cas de Suzanne) au rituel (la clitoridectomie), en passant par celui de masse (les Vietnamiennes). Le film va cependant plus loin en forçant le spectateur à se poser les questions fondamentales. Pourquoi le viol existe-t-il? Est-ce le sort naturel des femmes d'être violées? Qu'est-ce que le viol abîme chez la femme? Et où se situe la justice des hommes? » -- Office national du film du Canada (source) |
Générique (partiel) : | |
Scénario : | Anne Claire Poirier, Marthe Blackburn |
Produit par : | Jacques Gagné, Anne Claire Poirier |
Interprètes principaux : | Julie Vincent, Germain Houde, Paul Savoie, Monique Miller, Micheline Lanctôt, Luce Guilbeault, Christiane Raymonde, Louise Portal, Murielle Dutil, Julie Morand, Léo Munger, Pierre Gobeil, André Pagé, Michèle Mercure |
Images : | Michel Brault |
Montage images : | André Corriveau |
Musique : | Maurice Blackburn |
Société de production : | Office national du film du Canada / National Film Board of Canada |
« [Lors d'une projection de presse de Mourir à tue-tête au Festival de Cannes] il y a un journaliste qui s'est levé [...] et it dit : 'Je tiens à vous dire ce qui m'est arrivé. Et peut-être que d'autres ont senti la même chose.' Il dit 'moi, à un certain moment, dans le film, je suis venu très près de sortir. Mais très près. Parce que j'ai senti que vous me donniez vraiment des claques sur la gueule. Mais je suis resté. Et je me suis rendu compte que je le méritais.' [...] Alors là, la salle entière, debout! Ça, ça a été la chose... et naturellement, il a fallu un certain courage pour dire ça. »
-- Anne Claire Poirier
(source)
« On commence à peine à parler ouvertement du viol, les statistiques sont à peu près inexistantes, la recherche ne fait que débuter. Ce que j'ai voulu faire, c'est de soulever le voile de la honte, de la peur qui cache aux yeux de la société la profonde humiliation, la dégradation physique, la perte d'identité de la femme ayant eu à subir l'agressivité masculine. »
-- Anne Claire Poirier
(source)
« Mais ce qui me dérange le plus dans ce film [Mourir à tue-tête], c'est la finale. Bien sûr, il était important de montrer jusqu'où le viol peut nier la femme, la tuer (c'est aussi la réalité). Mais que c'est écrasant! [...] Encore une fois, une femme est victime de l'incompréhension de son 'chum', de son entourage, de sa propre incapacité à s'assumer. J'ai hâte que des films montrent comment la femme se donne des moyens, seule ou avec d'autres femmes, pour s'en sortir. »
-- Monique Caverni
(source)
« Le film nous dit qu'une femme violeé est atteinte dans son essence d'une façon indélébile, qu'elle est dépossédée d'elle-même, que son âme est atteinte. Dimanche soir, une femme est morte devant nous, dans nos salons tranquilles et rassurants et c'était insupportable. Je vous avoue que plusieurs fois j'ai eu envie de m'enfuir. La télévision n'a pas souvent cet impact-là : en général, on veut fuir parce que c'est moche. Ici, on voulait s'en aller parce que c'était trop bien fait. »
-- Louise Cousineau
(source)
« Quand l'on constate [...] que les interventions de [Monique] Miller et [Micheline] Lanctôt dans leur rôle de réalisatrice et de monteuse n'amènent aucune modification, aucune réorientation de l'histoire de Suzanne dans la suite du film, on peut se demander à quoi elles servent. Les réactions et objections de la monteuse [...] donnent à la réalisatrice l'occasion de justifier la façon dont elle a choisi de présenter l'histoire de Suzanne, d'affirmer aux spectateurs qui seraient choqués par la brutalité du viol et le caractère humiliant de l'interrogatoire policier, ou déprimés ou révoltés par l'incapacité de Suzanne à se reprendre en main, que la réalité dont elle s'est inspirée était plus dérangeante encore, et plus généralement d'expliciter et de souligner des intentions qui n'auraient pas été claires jusque là dans le film. »
-- Michel Euvrard
(source)
« Mourir à tue-tête est [...] le premier long métrage qu'il m'est donné de voir où la démarche de l'ensemble montre jusqu'à quel point il est difficile de tourner un film sur le viol sans sombrer dans les nombreux pièges du sujet tels que le voyeurisme et la sentimentalité facile. Les interventions répétées de Monique Miller et Micheline Lanctôt qui interprètent respectivement les rôles de la réalisatrice et de la monteuse permettent précisément d'éviter ces pièges et de souligner leur danger. Et lorsque dans la scène du viol, au début du film, la caméra reste inlassablement braquée sur l'homme, la réalisation évite précisement le voyeurisme qui trop souvent sabote la portée de pareilles séquences. »
-- Richard Gay
(source)
« Ce fulminant réquisitoire contre le crime de viol [Mourir à tue-tête] constitue à la fois un grand film féministe et l'un des meilleurs films québécois, notamment pour le découpage et l'utilisation de la caméra-je (ou caméra subjective) dans la séquence du viol. Tourné en 16 mm, le film est gonflé en 35 mm : c'est le succès commercial. Présenté aux festivals de Cannes, Berlin, Thessalonique, New York, Chicago, Londres, Arnheim, Bruxelles, Florence, Los Angeles, Göteberg, Bangalore, Sydney, Melbourne et Toronto, il tient l'affiche du 14 septembre 1979 au 24 avril 1980 à Montréal et totalise environ 115 000 entrés au Québec seulement. »
-- Thérèse Lamartine
(source)
« Réalisé à la fin des années soixante-dix, Mourir à tue-tête s'ancre aux revendications féministes les plus pertinentes et les plus dérangeantes, les synthétise d'une manière admirable et en devient un excellent moyen de diffusion. »
-- Yves Lever
(source)
« Mourir à tue-tête gravite autour de la thématique du viol. Pour mettre à nu ce phénomène, le film s'articule sur deux pôles distincts : le pôle dramatique (soit des fragments de l'histoire particulière d'une victime de viol mont(r)és par deux artisanes du 7e art dans une salle de montage) et le pôle analytique (soit le questionnement du viol en général). »
-- Denise Pérusse
(source)
« Mourir à tue-tête est un discours en pièces détachées. Chacun pourra y retrouver sa petite partie, on ne peut que déplorer que le traitement ne soit pas aussi fort, aussi inexorable que la situation. Mais le dilemme demeure : en parlant du viol, faut-il 'violer' aussi la conscience du spectateur ou chercher à l'éduquer, qu'il soit homme ou
femme? »
-- Gilles Thérien
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« Mourir à tue-tête a été mon premier vrai travail de comédienne, mon premier grand rôle. On est venu me chercher à l'École nationale de théâtre où je terminais ma troisième année en jouant le bouffon dans La nuit des rois de Shakespeare. J'aime interpréter des personnages gais et fantaisistes! Mais j'ai accepté d'aborder un personnage aussi intimiste que celui de Suzanne parce que je pourrais dénoncer une forme de violence que je n'ai pas personnellement vécue mais qui fait partie de ta vie quand tu es femme. »
-- Julie Vincent
(source)
« Le film [Mourir à tue-tête] est marqué par l'usage répété de la distanciation [...]. Poirier utilise des techniques qui sont devenues familières depuis les films de Jean-Luc Godard et dont l'origine remonte au théâtre brechtien. Le film oscille entre deux pôles : celui du discours analytique et celui du récit. »
-- Carole Zucker
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« Directors like Anne Claire Poirier have refined and expanded the documentary mode in a way that might satisfy its severest critics. Her Mourir à tue-tête, distributed on commercial circuits in 1979, combines an apparently realistic fictional narrative with documentary sequences, a mixture that has become an important technique of feminist film. »
-- Mary Jean Green
(source)
« In spite of the preface of the film [Mourir à tue-tête], where men of all classes are singled out, her decision to use the stereotypically violent worker as the actual rapist could be seen as letting middle- and upper-class men off the hook. Male spectators can distance themselves from the ugly proletarian rapist and hide behind the notion that only 'they'—that is, the lower classes—could do something that brutal; 'we' upper-class gentlemen would never mistreat a woman. »
-- André Loiselle
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« The film's [Mourir à tue-tête's] graphic depiction of rape and its putative suggestion that all men are potential rapists raised a storm of debate seldom seen in the history of Canadian film. Audiences either applauded the film for daring to deal frankly with the problem of violence against women, or attacked it vehemently for having gone too far in its audacity. »
-- André Loiselle
(source)
« As a devastatingly graphic representation of rape, [Mourir à tue-tête] provides a space to contemplate the brutality of rape. The film formally engages in a dialogue that encourages the audience to explicitly consider how rape is dramatized in cinema. This dialectic formal structure helps viewers grapple with the film's difficult images, which, alongside the graphic rape scene, include documentary footage of female genital mutilation and female victims of the war in Vietnam. Together, Suzanne's rape and the systemic violence against women on a global scale signify how misogyny is built into a wide range of social structures. »
-- Shana MacDonald
(source)
« The diegesis is broken by simulated documentary sequences in which the director and editor (Monique Miller plays the director and Micheline Lanctôt the editor) comment on the fiction that begins with the lengthy rape scene. In these shifts from fiction to documentary-like debate on issues of narrative construction, women's collaboration becomes an aesthetic and ethical necessity in [Anne Claire] Poirier's feminizing voice and vision. »
-- Joan Nicks
(source)
« By foregrounding the female body/voice as site of articulation and resistance, and giving us multiple bodies expressing multiple subjectivities, all towards a unified truth (the brutality of misogyny), Mourir à tue-tête creates both singular affective identification and a sense of community. And, as such, it performs a talking cure. »
-- Jodi Ramer
(source)